Rencontre du 21 février 2019 au MRAP
Henri Goldman
La bataille en Belgique a commencé avant 1982, cest la première bataille collective pour obtenir le droit de vote des étrangers au niveau communal, et cette revendication a même était mise dans une déclaration gouvernementale. Enfin, des promesses non tenues, vous savez ce que cest. Et à ce moment là, on a eu un retournement de la question migratoire, de nouveau une arrivée de migrants et les gens se sont dit, ce nest pas le moment de montrer quon les accueille trop bien, on leur donne des droits en plus. Car maintenant lidée cest de leur dire de ne plus venir.
Reportée de 20 ans, cette loi a été voté chez nous en 2004. Mais depuis cest un combat darrière-garde, un combat qui noblige personne. Et ce que je vais vous dire maintenant ça va être en deux parties, dans la première partie le pourquoi je men tiens à la position qui était la mienne à lépoque, cest la citoyenneté européenne de résidence. Ni plus, ni moins. Et vous naurez pas plus, et vous naurez pas moins.
Et le deuxième point, qui est une petite analyse de circonstance, parce que évidemment quand on avance une revendication, cest dans lespoir quelle gagne. Et on doit tenir compte des rapports de forces divers et qui ne sont pas bon.
Premier point : Toutes les citoyennetés ne semboîtent pas comme les poupées russes, ce nest pas plus petit, plus grand...
Il y a deux types de citoyenneté, il y a la citoyenneté horizontale, qui renvoie à la résidence et quand vous déménagez dun endroit à un autre, cest facile. Quand vous déménagez dune commune à lautre, on ne vous demande pas dattendre 6 mois, de faire un stage, de prouver que vous avez le patriotisme de votre nouvelle commune, cest un geste administratif.
Mais dans la citoyenneté verticale, celle qui vous relie à vos parents, cest déjà très différent, par exemple vos parents vont vous donner des droits que vous naurez pas si vous arrivez tout de suite. Et là-dessus vient se greffer toute la question anthropologique, qui est liée à la question nationale.
Evidemment vous pouvez avoir du patriotisme de votre région et de votre commune, ou de nimporte quel endroit où vous vivez, mais la question nationale, cest quand même quelque chose qui dépasse, strictement, ce nest pas que de la résidence. Cest à une échelle plus large, mais vous avez aussi des éléments logiques qui sopposent à traiter la question des droits politiques nationaux de la même façon quà dautres niveaux. En principe, quand vous votez des lois, ces lois sappliquent à vous. Si un non-national vote des lois nationales, il votera des lois qui ne sappliqueront pas à lui-même. Si vous votez des lois sur le service militaire alors que vous ne devez pas le faire, cest bizarre. Des lois sur les traités internationaux que vous allez signer, cest bizarre. La reconnaissance des conventions internationales, ça passe par le Parlement. Ça ne vous concerne pas vous ! Elles ne sappliqueront pas à vous. Le droit de trahison en terme de guerre ne sappliquera pas à vous. La représentation diplomatique quand vous irez dans un autre pays, si vous êtes étranger, vous ne pourrez pas aller à lAmbassade de France.
Donc là, on passe à autre chose, la seule façon de sortir de ce dilemme en terme de logique cest de considérer que la catégorie juridique de national disparaît. Et on peut avoir ça comme objectif, cest possible. Mais on ne peut pas garder en même temps un cadre national qui lui-même est horizontal et vertical et abolir la différence entre national et étranger. Car cette différence cest la seule chose qui fonde la collectivité nationale, vous pouvez réduire ce truc là, mais si vous voulez labolir, vous abolissez la catégorie des nations et vous la remplacez par des trucs tout à fait horizontaux. Peut-être que cest écrit dans les astres, peut-être que lhumanité va vers ça. La citoyenneté de résidence nous a déjà fait passé à un stade supérieur. On a tous considéré que le Traité de Maastricht était un véritable pas en avant, parce quil a institué un espace de citoyenneté qui était délié au moins dans le cadre européen de lidentité nationale.
Dune part ça nous a permis de saluer cette avancée, et de deux, de se dire que si lon veut une certaine forme dégalité, on doit trouver une formule qui ne discrimine pas. On ne disait pas que les étrangers sont des nationaux, on admettait quil fallait réduire la distance, mais il ne fallait pas labolir, au minimum on allait supprimer des discriminations entre étrangers. Et on pouvait largumenter dans le cadre dun crédo pro-européen en disant pour le moment chaque Etat décide de son propre droit de nationalité, et ce nest pas juste quune personne puisse accéder à la nationalité assez facilement dans tel pays parce quil y a le droit du sol, mais dans un autre pays qui fonctionne avec le droit du sang, il ne le pourrait pas.
Deux frères, on donne toujours cet exemple, un qui va en France et lautre en Allemagne, un devenant français pourrait voter aux élections européennes alors que son frère qui est arrivé en même tant qui paye ses impôts comme son frère, ne le pourrait pas. Cest là quon a élaboré ce concept de citoyenneté européenne de résidence qui voulait dire Maastricht pour tout le monde. Cest là quon est arrivé au sommet de lélaboration de ce que ça voulait dire, quand un amendement a été défendu à la dite constitution européenne qui pour le moment dit : « est citoyen tous les ressortissants des pays qui constituent lUnion Européenne ». Et on a voulu ajouter quelque chose en disant est aussi citoyen européen toute personne qui réside légalement sur le territoire de lEurope, pas dun Etat. On se disait aussi, les gens qui déménagent dun pays à lautre, ils doivent prendre quelle nationalité ? Ça na pas de sens, mais ils sont citoyens européens, et lEurope valorisait beaucoup la mobilité à cette époque. Ceux-là deviennent citoyen européens comme un Etat de population supplémentaire. Il faut une condition de résidence, on nhérite pas de la citoyenneté immédiatement, il faut 5 ans. Et en disant ça, en même temps cest un concept clair et la possibilité dun combat unifié entre différents pays européens. je pense que sur le plan conceptuel, cest véritablement lhorizon, et cest le seul que je vois. Il permet des combats communs dun pays à lautre. Je nai jamais été en faveur des revendications maximales qui rassemblent peu de monde. Alors maintenant, les circonstances politiques sont pires que jamais.
Il faut quand même dire quelques mots sur la singularité française. Jai écrit en 2012 un livre «Le rejet français de lIslam», pourquoi cette parano nexiste dans aucun autre pays européen, même en Italie, au Portugal, vous ne verrez pas ça. Pourquoi cette parano là ?
Je pense que la France de tous les Etats européens est celui qui existe dans ses frontières en gros depuis Philippe-Auguste, enfin depuis très longtemps. Tous les autres Etats européens sont des Etats récents, et ils nont pas langoisse dêtre dépecés. Dans lhistoire de France même pendant la révolution française on trouve des citations de Robespierre, où il avait peur que les armées de Versailles, dexilés.. allaient nous enlever des morceaux de territoire, et dans le combat entre Jacobins et Girondins, cest aussi cette trouille de ça. Les autres Etats ne sont pas travaillés par cette trouille parce quils sont plus récents et se sont des Etats jeunes. Cest pour ça que les autres Etats sauf la France ont sans problème signé la convention cadre du Conseil de lEurope reconnaissant lexistence de minorités nationales. Et tous ces pays ont des minorités nationales, lEspagne la Catalogne, lAndalousie, lItalie, la Sardaigne, la Sicile, le Val dAoste, il y a des langues minoritaires, ça ne panique pas, en France cest impossible. La Corse a provoqué à lépoque de Pierre Joxe un véritable psychodrame. Le blocage de la société française même quand elle est dirigée par la gauche, la peur que nimporte quelle ouverture va dissoudre lidentité française, le territoire français, le peuple français, est une panique véritablement. Evidemment dans la circonstance que nous vivons, cet aspect na évidemment pas diminué en France.
Mais il y a dautres événements qui sont arrivés qui, là, dépasse la France.
Il y a dabord une crise migratoire, comme on en a jamais connu. Il y a un déplacement dans lénergie militante, je pense que la plupart des militants qui sont attachés aux droits des étrangers ou des anciens étrangers, ou étrangers en situation légale, ce nest plus sur le droit politique que vient lurgence.
Il y a eu quand même une évolution pratiquement par tout sur le droit à la nationalité, il ny a quen Belgique, où il y a eu un petit-retour en arrière. Mais malgré ce retour en arrière, ce nest pas pareil quil y a 20 ans. LAllemagne, la patrie du droit du sang, a avancé aussi, cest plus facile, et psychologiquement, cest comme ça quon la vécu en Belgique, pour les Marocains, les Turcs qui est chez nous la deuxième minorité, ils savent quil y a maintenant un double lieu de nationalité partout. Lancien modèle cest on a une nationalité, et quand vous prenez une double nationalité, vous perdez lautre. Ça na jamais était le modèle ni du Maroc ni de la Turquie et maintenant, ce nest plus ni le notre, ni le votre. Puisque nous avons obtenu que nos ressortissants qui vont à létranger peuvent acquérir la nationalité du pays où ils vivent sans perdre la notre. Donc nos ressortissant Marocains et Turcs savent quils peuvent parfaitement acquérir la nationalité belge même dune façon instrumentale, sans entrer dans le lignage. Ils ont deux nationalités. Il y en a une qui est peut-être plus émotionnelle que lautre, mais ils acquièrent des droits comme ça.
Il y a un blocage avant, qui était un vrai blocage, qui petit à petit a sauté. Et puis dans les pays où un droit de vote a été acquis, maintenant, on doit se battre pour quils votent. Dans un pays comme la Belgique cest clair, ceux qui voulaient utiliser les droits politiques ont pris la nationalité. Ceux qui ne lont pas pris, cest parce que mentalement, ils nont pas encore basculé dans lidée quils resteront. Chez nous, ça a été massif les accès à la nationalité. Et ceux qui ne se naturalisent pas, ce sont les Européens qui ont quasiment autant de droits que les nationaux. Nous, on a eu aussi il y a quelques années des associations qui avaient essayé de lancer une campagne pour la citoyenneté européenne de résidence, mais ça na pas pris du tout. Nous, on voulait létendre, mais vous le savez, les étrangers non européens nont que le droit de vote et doivent signer une déclaration un peu humiliante, mais à la limite on sen fiche. Ça a été une concession pour que la Droite chez nous se rallie au vote. Et la Droite sest ralliée. La Gauche a toujours été pour, et la Droite sest ralliée. Lextension na pas pris parce que voilà, les gens se sont dit «ils ont le droit de vote, mais quest-ce quils en font ?». Chez nous le droit de vote est obligatoire, les nationaux votent environ à 85 % et les autres ne sont pas obligés ils doivent sinscrire sur des listes électorales, et on a des taux de 20 %. Alors est-ce que ça vaut la peine de demander une citoyenneté européenne qui ne leur donne pas plus de droit ? Ça a été une sorte de démobilisation. Tout ce truc là est basé quand même sur une conception positive de lEurope comme cadre de cette citoyenneté, or vous savez très bien surtout dans les couches populaires limage que lEurope a. Cest lEurope libérale, lEurope des élites mondialisés, que se soit du côté de la France insoumise ou du côté du Rassemblement national, ça fait beaucoup de monde qui ny croit plus du tout. Et qui nous renvoie dans un rapport de force interne, dans une situation où la frilosité augmente, et où les problèmes qui touchent les étrangers, ce ne sont pas ceux-là.
Je pense que si il y a quelque chose, ça ne peut être que la citoyenneté européenne de résidence. Que ce nest pas la peine dengager des batailles nation par nation, cest du temps perdu. Quil faut reconstituer des coalitions et je dirais refaire du lobbying. Je sais que vous avez décidé denvoyer des lettres à tous les candidats aux élections européennes. Mais ça nest pas complètement désespéré la nouvelle configuration au parlement européen. Il y a au moins deux groupes et demi sur lesquels on peut sappuyer, peut-être plus ? Les Verts, la Gauche, une bonne partie des Libéraux aussi. Autour de ça on peut essayer de refaire ce quon avait fait au moment de la Constitution européenne, mais je pense que cest ça quon doit faire. Je pense que vous allez vous épuiser à vous laisser dans une campagne franco-française si il ne se passe rien dautre.
Falconer Colin
Jhabite en France depuis 40 ans.
Effectivement, il y a des avancés partielles et jentends les arguments réalistes sur quest-ce quon peut revendiquer. Par exemple le droit de vote aux élections locales des résidents non-européens, cest une revendication réaliste, il y a peut-être des chances que je soit accepté. Peut-être ! Car nous ne sommes pas dans une période où ce genre de demande va être acquis facilement. Il ne faut pas refuser les avancées partielles, mais par contre nous qui sommes des antiracistes et des antiracistes conséquents, nous défendons la position de principe cest légalité des droits, donc pour le droit de vote à tous les niveaux, à toutes les élections pour tous les résidents sous condition dune certaine durée de résidence. Cest la question de base. Mais la question primordiale dans la période actuelle, quelle revendication peut être acceptée le plus facilement. Le rapport de force politique nest pas en notre faveur actuellement. Mais il faut que nous portions ces revendications dégalité des droits dans le cadre dun mouvement antiraciste large, puissant. Ça ne va pas être facile, mais pour moi cest la seule façon.
Pierre Cours Salies
La question qui nous est posée : «Est-ce quon revendique des droits pour tous ceux qui vivent là ?» Ou bien, est-ce quon laisse faire ce qui se passe, la passivité du gouvernement, mais par contre le Front National qui engrange. Je ne vois pas dautre façon de répondre à des racistes sans dire «ceux qui vivent ici, votent ici, et ont le droit dy vivre et ont tous les droits». Si on ne fait pas ça, on ne répond pas à la question aujourdhui. On ne peut pas dire que lon va hurler un jour «Ne touchez pas aux Juifs» et une autre fois «Ne touchez pas aux Roms». Il y a un problème de matériel antiraciste dans ce pays. Aujourdhui on sait que la crise de représentation, ce nest pas une crise de représentation, mais une crise de confiance par rapport à des organisations politiques qui napportent rien sauf des mensonges. Ça ne remontera pas si il ny a pas une campagne politique qui pose les problèmes politiques. Si on veut faire entendre quils ont tous les droits politiques et sociaux, on dit «quils ont tous les droits politiques et sociaux». Cest un point de fixation très dur, dans tout ce qui est laborieux car dans les divers partis de gauche, ont fait des promesses non tenues. Le PC sen tire en Seine-Saint-Denis en faisant beaucoup délus, ils ne sont pas dorigine franchement européenne !
Il faut prendre linitiative dune réunion ou deux sur plusieurs sujets, et quil y ait une plate-forme commune sur lensemble des problèmes qui concernent les étrangers.
Nordine Chaabi
Je veux revenir sur la participation, on est au creux de la vague partout en Europe, pas seulement en France. Il y a un problème qui est réel, cest la crise de la représentation. Les gens qui ont lhabitude de voter depuis des siècles, nont plus confiances en ceux qui les représentent. Cela touche aussi les autres. Nous, en France on cherche à ce que ce droit là existe, même symboliquement, on reste idéaliste jusquau bout, même quand on voit que tout est fermé, personne nen parle, cette promesse de plus de 40 ans na jamais vu le jour. Mais aujourdhui cest oublié, les partis de gauche nen parlent plus. Même sur le vote national, par exemple les Tunisiens ici à létranger, on a même 18 députés à désigner de létranger, ça a été très bien pour la première élection parce que les gens y croyaient, mais après, ils ont été déçu. On ne désespère pas, on continue.
Bernard Delemotte
Y a une tendance générale ces dernières années, les diasporas étrangères, et notamment africaines, revendiquent le fait de voter aux élections nationales dans leur pays dorigine, mais aux élections nationales, pas aux élections locales. Au Royaume-Uni, les Britanniques expatriés en Europe se sont plaints de ne pas avoir pu voter au Référendum sur le Brexit. Donc ils revendiquent de pouvoir sexprimer sur laspect national. La Cour suprême canadienne, objet dune requête des expatriés qui se plaignaient de ne pas pouvoir voter aux élections nationales après 5 ans de résidence à létranger, vient de leur accorder le droit de vote aux élections nationales, et a précisé que cela ne concernait pas les élections provinciales et locales.
On a bien globalementpour le droit de vote des étrangers une distinction qui se fait de plus en plus, entre élection nationale et élection locale.
Je pense aussi que le droit de vote des étrangers se réglera peut-être un jour au niveau de lEurope et pas nation par nation, mais je pense que les nations qui nont pas encore le droit de vote pour tous les étrangers doivent continuer à se battre avec leurs arguments, cest ce que font par exemple les cantons Suisse, ils continuent à faire des votations citoyennes régulièrement, canton par canton pour élargir le droit de vote, et ils lélargissent. Il y avait deux cantons il y a 20 ans, il y en a huit maintenant qui ont le droit de vote. Ce sont des combats qui doivent se poursuivre.
Henri Goldman
Les Canadiens expatriés vont pouvoir voter aux élections fédérales, ce que javais appelé la citoyenneté verticale, celle de leurs ancêtres, parents, grands-parents... Par contre aux locales, ils ne voient pas ce quils pourraient y faire. Dans les statistiques belges, on sait que le droit de vote qui a été gagné sans éligibilité avait lunanimité des francophones et seulement une minorité des flamands. Ça sest tout de suite vu dans les taux de participation. Parce que les pouvoirs locaux francophones ont fait du boulot. Il ne suffisait pas de voter la loi, il fallait faire de linformation, aller chercher les gens, mobiliser les associations de limmigration et cela donne des résultats.
Les flamands nont rien fait du tout. Et évidemment les gens nont pas été voter. Maintenant aux élections communales qui viennent davoir lieu en octobre, je pense à 2 communes bruxelloises, Bruxelles est de très loin une ville exceptionnelle du point de vu du métissage. Une étude de lOIM (Organisation Internationale de lImmigration) en 2015 classe Bruxelles en deuxième ville la plus cosmopolite du monde, on est derrière Dubaï, donc la plus cosmopolite dEurope, le critère étant le nombre de population qui est née à létranger...
Dans deux communes Bruxelloises, ils ont réussi à faire voter les gens , deux communes assez différentes, la commune de Saint-Gilles parce quils ont plus délecteurs étrangers que délecteurs belges, ils voulaient avoir un Conseil municipal qui représentait la population et lautre commune cest la commune de Saint-Josse qui est majoritairement turc et où ils ont fait de linformation en turc. Et ils ont un maire turc, une loi ça ne suffit jamais, mais si à côté de ça il y a un travail, ça donne des résultats.
Pierre Gineste
Pour en revenir à ce quà dit Henri, notamment cette citoyenneté verticale, citoyenneté horizontale, daprès ce que jai compris, je la traduirais un peu différemment. Cest-à-dire, le local, on ne fait quappliquer la loi. Et au niveau national, on la crée. Ce qui pose un problème sur la question de lEurope. Car lEurope crée la loi aussi. Le gars, il vote la loi, mais il ne peut pas lappliquer pour lui ! Les élections européennes créent la loi qui doit être transcrite dans les lois nationales, ce sera pareil. Que ce soit le Parlement Européen, le Parlement Français, ou Italien ou Allemand, cest là où on crée la loi. La question se pose dune autre manière dans les communes ou dans les régions, on applique la loi.
Après tu as dit «moi je propose quon fasse une campagne Européenne». Je dois dire quil y a quelques difficultés, faire une campagne européenne ça veut-dire demander à une majorité de pays qui donnent le droit de vote aux étrangers aux élections municipales, de refaire campagne !
Je ne suis pas sûr que lon arrivera à associer tous les pays. Il y a une différence de nature entre le vote pour le Parlement National et le vote pour le Parlement Européen et le vote local. Cest juste une remarque.
Linda Engel
Je suis franco-anglaise, je viens de passer un long moment en Angleterre, et vous avez vu ce qui sest passé là-bas pour les votes. Je suis 100 % démocratique, mais je ne suis pas daccord avec le vote. Le Brexit malheureusement a été un énorme choc, parce quil y a beaucoup de personnes des anciennes colonies, cest 4 générations, qui ont voté contre. Ils veulent rester en Europe.
Le gros problème, cest que maintenant, on est divisé, on a carrément une scission, je pense que cela peut arriver partout en Europe, cest malheureux à dire, mais les gens de ma campagne, qui nont jamais vu un étranger, ont voté pour sortir de lEurope, parce quils ont très peur des Roms. Et les gens de la ville, ont voté pour, car forcément ce sont des gens plus influant. Et après, il y a eu les «gilets jaunes», et le profil des gens à la campagne en Grande-Bretagne est le même profil. Ils ont les mêmes problèmes que vos «gilets jaunes». Cest exactement la même chose, et cest la peur de lautre qui va prendre.
On a une personne dorigine pakistanaise qui est le Maire de Londres, il fait très bien son boulot, il ny a pas de problème. Mais, je peux dire quà ma naissance, jai 70 ans, il y avait des quartiers qui étaient beaucoup plus mélangés dans Londres.
Habiba Bigdade
Membre de la Ligue des droits de lhomme, et adjointe au Maire à Nanterre. Je voulais intervenir sur la campagne du droit de vote aux élections municipales. Je pense vraiment quil faut continuer ce mouvement, car aujourdhui on a déjà des étrangers qui votent aux élections municipales, des étrangers communautaires. Il faut garder cette idée dégalité des droits entre les étrangers, bien sûr pas aux élections européennes. Les municipales, il faut que lon reste la-dessus, avec les mêmes conditions, la seule chose cest la durée de résidence, on est sur 6 mois pour les communautaires et sur 5 ans pour les autres, il faut essayer de réduire. On va déjà accepter ça. Ensuite, sur la question : «comment les gens votent ?» jai envie de dire les étrangers sont des gens comme les autres. Ils votent en fonction de leur identité sociale et politique.
Les gens votent dabord en fonction du parti qui a porté cette revendication là, et au-fur-et-à-mesure, ils votent comme dautres en fonction de leurs conditions sociales, on ne modifie pas beaucoup les tendances, les équipes politiques dans le pays.
Et sur la question de la mobilisation, tous les partis politiques de gauche sont pour le droit de vote des étrangers. Aujourdhui on est plus sur des questions sociales. La question des étrangers est toujours en retrait, mais elle est toujours en retrait par rapport à ces questions sociales.
Catherine Wihtol de Wenden
Je voulais revenir sur deux ou trois choses qui sont dans le débat. Dune part rappeler que sur 28 et bientôt 27 pays de lUnion Européenne, il y a 15 pays qui ont donné le droit de vote local aux étrangers. Certains ont donné aussi léligibilité, dautres que le droit de vote local. Et donc la France est très en retard puisque cest un débat quon a depuis plus de 30 ans, la thématique du droit de vote local des étrangers.
Deuxième point et cest important car ça a été dit tout à lheure. Il ny a pas de complémentarité ou de substantialité entre ouvrir davantage laccès à la naturalisation et donner le droit de vote local aux étrangers. cest un faux débat qui est très présent dans le débat politique, mais qui est faux car des pays sont fermés aux deux, qui ont un accès difficile à la nationalité et qui nont pas donné le droit de vote, ni léligibilité local aux étrangers, cela a été le cas pendant longtemps en Allemagne par exemple, qui était un pays du droit du sang. Et il y a des pays qui sont ouvert aux deux, LAngleterre qui est un pays du droit du sol a non seulement léligibilité pour linstant pour les gens du commonweath à tous les niveaux, y compris national, mais aussi pour linstant, mais ça ne va durer très longtemps, la possibilité pour les Européens dans le cadre de la citoyenneté européenne dêtre électeur et éligible à léchelon local. Il ny a pas du tout délément de compensation, certains ouvrent la nationalité dautres donnant le droit de vote.... Il y a eu beaucoup de travaux qui ont été fait la-dessus. Mais aucun lien de cause à effet, lun qui souvre et lautre qui se ferme. Cest une fausse idée.
Troisième point : Aujourdhui dans le contexte de la France, mais aussi dans la plupart des pays européens, dans le contexte de la montée des extrêmes droites, il est urgent de revenir sur ce débat. Parce que les partis dextrême droite utilisent labsence des étrangers non communautaires comme électeurs. Et parfois même la légitimité dun certain nombre de municipalités est assez faible compte tenu du fait quune partie importante des municipalités a été élue par une petite partie des habitants. Mais surtout on utilise labsence au vote des étrangers non communautaires, pour continuer sur des discours racistes, xénophobe etc. Et il ny a pas que les partis dextrême droite. Je pense que cest très important de rester vigilant et plus il y a une diffusion des idées dextrême droite, des thématiques identitaires, xénophobes etc. dans les pays européens, plus il est important de rester très très vigilant sur la poursuite de la revendication pour le droit de vote local et léligibilité des étrangers à léchelon local. A titre personnel, je ne suis pas favorable au vote à léchelon national. Parce que cest un autre sujet, les élections nationales, cest un autre type de débat.
Déjà à léchelon local, il y a énormément à faire, car beaucoup des discriminations, des discours xénophobe, et tous les difficultés du vivre ensemble, elles se jouent essentiellement à léchelon local. Si à cet échelon, les gens qui constituent une partie importante de la population de certaines communes sont muets aux élections, nont pas la possibilité de sexprimer, là, il y a un véritable problème.
Il y avait un autre point aussi que je voulais soulever, cétait la confiance dans la représentativité ? Beaucoup de promesses qui ne sont pas tenues. Des gens qui décrochent par rapport à labstentionnisme. Il y avait largument que si on accorde le droit de vote, est-ce quils vont se bousculer pour aller voter ? Cest un processus très très lent dapprentissage dengagement, mais il y a entre temps une reconnaissance dégalité.
Pierre Cours Salies
Je voudrais faire une critique de ce quà présenté Catherine Wihtol de Wenden sur se contenter des élections locales. A supposer que les mobilisations des revendications aboutissent à un progrès, très bien. Mais, jai un souvenir de la société française, quest-ce quil fallait défendre pour le droit à lindépendance ou à lauto-détermination des Algériens. Ceux qui ont défendu, il faut élargir un peu leurs droits de vote et il faut leur donner un peu plus de droits sociaux, ont servi uniquement dans la durer à cautionner le fait que comme ils nétaient pas comme nous, il fallait les réprimer parce quils voulaient nous chasser. Ils avaient le droit à lautodétermination et à lindépendance si ils le voulaient. Pourquoi ils nont pas les mêmes droits ? Simplement parce quon ne leur a pas reconnu. Est-ce que cest une bataille sur le droit du sol élargi ? Oui, mais si on ne mène pas une bataille sur le droit du sol élargi, comment on fait dans une période où il y a autant de migrants partout ? On fait les choses à retardement, ce que lon aurait du faire dans les années 70. Il y a un vrai problème, nous devons reconstruire nos rapports de force.
Bernard Delemotte
Une précision, je reviens sur le débat, local, national. Il y a une chose dans la durée de résidence qui me gène actuellement. Quand on dit «on va létendre aux autres étrangers à partir de 5 ans de résidence.». Quand on déménage à lintérieur dun pays, si je viens de Nantes à Paris, jai le droit de vote aussitôt à Paris. Je ne connais rien de Paris, je viens darriver.
LEuropéen qui vient à Paris va pouvoir immédiatement voter aux élections locales. Et bien, le Gabonais, le Malien ou lAlgérien... devrait pouvoir voter sans durée de résidence.
Les pays qui ont accordé le droit de vote à toutes les élections, et il y en a très peu 5 ou 6 ( Amérique Latine, et Nouvelle Zélande) un certain nombre dentre eux ont donné une durée de résidence importante. En Uruguay cest 15 ans de résidence pour pouvoir voter. Cest-à-dire, ils attendent une intégration longue. Lorsquon est sur la citoyenneté locale, il ny a aucune raison quon donne des différences. On ne les donne pas aux autres, ils viennent darriver dans la ville, ils ont le droit de voter. Il est certain que si on accorde le droit de vote à des étrangers au niveau national, la durée de résidence peut se justifier.
Les sondages portent sur légalité des droits. Cest pour cela quil y a un bon résultat. Ils portent sur légalité des droits entre Européens et non-européens, et cest sur cette égalité des droits, élections municipales et européennes, que les gens répondent.
On a effectivement dans dautre sondages, des résultats qui sont moins bons, mais ça reste quand même de lordre de 50 % quand on pose la question «êtes-vous pour ou contre le droit de vote de tous les étrangers aux élections locales ?»
Henri Goldman
Cest intéressant de voir si lobjection que javais portée sur les élections nationales fonctionne aussi au niveau européen. Javais distingué citoyenneté verticale et horizontale, javais dit tout à lheure que le niveau national était une combinaison des deux. Il y a aussi dans le niveau national des choses qui sont strictement liées au territoire, et puis il y a des choses qui échappent cest là quil y a un problème, je ne sais pas très bien quelles sont les conséquences des directives européennes qui doivent être transposées dans les lois nationales. Peut-être que ça ne concerne aussi que du territorial. Moi cette idée de dire Maastricht «oui» mais pour tout le monde. Si on dit «non» et que cette objection fonctionne, ça membête.
Vous dites les droits ne se divisent pas. Ça se discute !
Mais cest une belle phrase, pour moi, les juste causes ne se perdent jamais. Il faut avoir une juste revendication et en fonction, on peut accepter un premier pas, un deuxième... Si vous avez tous les droits politiques, alors vous avez aussi, obligation du service militaire dans les pays où il y en a. Et le droit diplomatique dans dautre pays. Et cest là que vous allez vous heurter à la question anthropologique de tout à lheure. Ce nest pas pour ça quon doit y renoncer. Mais réfléchissez un peu à ça.
En France un peu moins quen Belgique, mais on est en train de réfléchir aux formes de la démocratie, et maintenant, cest arrivé massivement à travers le référendum dinitiative citoyenne, je pense que nous allons maintenant dans tous les pays, devoir inventer des formes de démocratie les tester et les étendre qui inclut le tirage au sort, les référendums locaux etc. Il faut absolument les investir à fond. Parce que là on échappe un peu à des vieux schémas qui bloquent. Si nous pouvons imposer dans toutes les nouvelles techniques de démocratie participative, que ce soit ouvert à tout les résidents, là je pense, que cest peut-être par-là quon contournera les blocages actuels. Déjà se dire que le RIC ça concerne tous les résidents, on gagnerait peut être beaucoup plus dans les opinion quen senferrant dans les cadres traditionnels des différents niveaux de pouvoir.
Catherine Wihtol de Wenden
Deux points sur les référendums dinitiative, populaire ou citoyenne, ou autre appellation. Il faut quand même regarder lexemple de la Suisse, ça na pas toujours porté les idées les plus généreuses en la matière. Beaucoup de ces référendums sont aussi lexpression de décisions qui vont à lencontre dun contexte juridique. Ils sont venus me voir car il y avait un référendum dinitiative populaire contre les frontaliers alors que la Suisse est entrée dans le système Schengen qui prévoit la liberté de circulation frontalière à lintérieur de lespace Schengen dont la Suisse est partie prenante tout en nétant pas dans lUnion Européenne, alors que le Référendum dinitiative populaire a dit quil fallait contrôler les frontières et ne pas permettre aux frontaliers de venir travailler impunément en Suisse. Ils ont résolue le problème avec une sorte dartifice juridique, mais cest dangereux.
Une autre fois jétais à une réunion du HCR à Genève, lhôtelier de lhôtel où jétais disait «vous savez cest catastrophique, ils ont voté un Référendum contre les minarets et nos clients sont des gens du Golfe». Mais les gens qui ont voté , sont des gens de la campagne qui nont pas compris quil y avait une autre clientèle que des gens qui font pousser des fleurs charmantes dans les Alpes fleuries. Il y a un risque de populisme dans les Référendums dinitiative populaire parce que le national aussi est favorable à ça. Je ne suis pas sûre que ce soit le terrain qui corresponde le plus aux droits de lhomme.
Deuxième point, le Front National a imposé un prêt à penser sur limmigration dans tous les débats, toutes ces idées du Front National, cest très très dangereux. Si on veut quil y ait à léchelon local une réponse à la monté des ces idées dextrême droite qui progressent à la vitesse grand V, il faut que les étrangers ne soit plus la cible préférée de ce parti, parce que précisément, ils ne peuvent pas sexprimer.
A partir du moment où les gens peuvent sexprimer dun point de vue électoral, il y a des discours qui ne peuvent plus avoir lieu. Il faut se battre sur léchelon local avec pragmatisme, avec des approches plus intéressantes, de construction de la mobilisation, mais de façon pragmatique pour essayer de casser lélectoralisme qui a consister à utiliser labsence des étrangers comme électeurs à léchelon local pour développer la xénophobie. Il faut que les étrangers non communautaires puissent sexprimer sur toute une série de question, car on utilise leur absence à des fins électorales, et démagogues sils ny sont pas.